Déesses vivantes du Népal

A Katmandou, on fait la rencontre de Chanira, une ancienne Kumari qui nous livre les secrets de son passé – résultat d’une tradition religieuse aussi fascinante que controversée.

Aujourd’hui âgée d’une vingtaine d’années, Chanira nous raconte qu’à ses 4 ans, elle est devenue Kumari, l’incarnation vivante de la déesse Taleju, une déesse redoutable à la fois hindoue et bouddhiste.

Choisie pour sa beauté parmi les communautés Newar de la vallée de Katmandou, elle devait répondre aux « 32 perfections », soit 32 critères physiques très stricts comme avoir les cheveux noirs, une dentition parfaite, une peau sans cicatrice ou encore un équilibre astrologique favorable. Chanira nous raconte qu’une fois sélectionnée, elle a été séparée de sa famille et installée dans une maison appelée Kumari Ghar, dans le Durbar Square de la capitale, où elle a grandi, selon la tradition, sans contact avec le monde extérieur*. Maquillée comme une vraie femme, ses missions étaient de recevoir quotidiennement les dévots qui venaient lui demander bénédiction, et de participer à des rituels sacrés et des fêtes – comme Indra Jatra en été, ou Dasain en automne.

A la puberté, à l’instar de celles qui l’ont précédée, Chanira a été jugée « impure » et a été déchue de son statut divin. Elle a alors dû retourner à une vie ordinaire, cédant sa place à une autre Kumari. Émue, elle nous raconte qu’elle garde un souvenir nostalgique de sa « première vie », bien qu’elle en ait conservé certains privilèges, comme celui de bénéficier d’un enseignement supérieur bilingue, dispensé par les meilleurs professeurs. « Un avantage notable, dit-elle avec lucidité, par rapport à la majorité des jeunes femmes népalaises, qui n’ont pas cette chance ».

Une rencontre qui nous confronte à une tradition controversée, mais enracinée dans la culture népalaise comme symbole du lien indéfectible entre le patrimoine du pays et la religion.

*La maison de la Kumari de Katmandou n’est pas accessible aux touristes étrangers. Pour ceux qui souhaiteraient rencontrer une Kumari et obtenir sa bénédiction, il en existe une deuxième – plus accessible – qui exerce ses pouvoirs à Patan, au sud de la ville.